Maladies chroniques: pourquoi est-ce si difficile de suivre un traitement sur le long terme?
Le temps, pour les maladies chroniques, est également une donnée majeure qui ajoute de la complexité. En effet, au-delà du respect initial de la prescription, s’ajoute la nécessité de son observance quotidienne au fil des semaines voire des années… Avec le temps, l’autogestion peut ainsi se déliter et la non-observance prendre des formes très variables, allant de la simple omission au retard dans la prise, à l’adaptation des doses, au non-respect de la fréquence d’administration et à l’arrêt.
Cette situation n’est pas une fatalité car les programmes d’Éducation thérapeutiques (ETP) permettent une prise de conscience et une orientation des objectifs du patient. L’ETP permet de réaliser que, n’étant pas des machines, nous sommes soumis à de nombreux processus mentaux qui peuvent nous détourner d’un acte qui parait «simple».
Les cas des malades souffrant de lésions nerveuses
Si le suivi au long cours d’un traitement chez des patients disposant de toutes leurs facultés cognitives est déjà difficile, certaines atteintes nerveuses amplifient le problème.
Des études montrent que des patients présentant des lésions préfrontales (suite à un accident vasculaire, un traumatisme ou une dégénérescence nerveuse…) sont incapables d’avoir conscience des conséquences futures de leurs actes, se projettent difficilement…
Le cortex préfrontal abrite des fonctions dites «exécutives» essentielles pour planifier des actions, s’en souvenir et inhiber des distractions ou des actions concurrentes. Elles sont également nécessaires au contrôle de la pensée et des émotions. Leur altération affecte la mémoire de travail, nécessaire à la conservation des informations, à la récupération de celles stockées dans la mémoire à long terme et à leur remise à jour. Le cortex préfrontal latéral permet, enfin, de mettre en cohérence des pensées et des actions au regard des intentions.
Leur lésion rend impossible la tenue d’objectifs thérapeutiques ou d’envisager les conséquences de la non-prise d’un traitement.
La rééducation permet d’envisager de nouveaux processus pour aider les patients à prendre leur traitement – des automatismes par exemple. Dans ce cas, l’intention première derrière une action (la prise d’un médicament) peut avoir disparu au profit de l’automatisme mis en place. Ces actes automatiques ou routiniers ont l’avantage de ne nécessiter qu’un contrôle cognitif modeste.
Connaître le biais pour y remédier
Plus largement, dans le cadre des maladies chroniques et même sans que le cortex préfrontal ne soit atteint, une moindre compétence des fonctions exécutives affecte tous les aspects du comportement, y compris le fait de prendre soin de soi.
À propos des auteurs:
David Naudin est coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD - Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, à l'Université Sorbonne Paris Nord.
Géraldine Pascher est co-autrice de cet article. Coordinatrice pédagogique des instituts et écoles de formations paramédicales du Centre de la Formation et du Développement des Compétences (CFDC) de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), elle est diplômée en Sciences de l’Éducation et en Management des systèmes de santé et cadre de Santé. Elle est spécialisée en pédagogie, gestion de crise, utilisations des multimédias en santé et recherche paramédicale.
Des corrélations ont ainsi été établies entre le niveau de performance des fonctions exécutives et l’observance thérapeutique des patients. Plusieurs étudesl’ont par exemple montré chez de jeunes patients diabétiques âgés de 12 à 18 ans, en ce qui concerne leur contrôle glycémique. Les capacités d’autorégulation liées à la flexibilité, au contrôle de l’attention, à la fixation d’objectifs et la régulation des émotions seraient significativement associées à l’observance thérapeutique.
On comprend ainsi que les études concernant fonctions exécutives et observance des thérapeutiques offrent donc une piste à explorer.
Il est concrètement possible d’aider un patient, via une prise de conscience. Des programmes d’éducation thérapeutique (ETP) peuvent lui permettre d’acquérir des automatismes afin d’agir sans avoir à penser sans cesse à la maladie – avoir une pathologie chronique induit une charge mentale importante, pouvant conduire à un phénomène de burn-out. Ils ont ainsi déjà intégré des techniques de gestion du stress et des émotions négatives comme la méditation, le sport ou encore le yoga dont on sait tout le bénéfice sur les fonctions exécutives.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.